Xavier Hufkens présente une exposition solo de Paul McCarthy
Xavier Hufkens présente un ensemble de sculptures, tableaux et vidéos de l’artiste américain Paul McCarthy, répartis dans les deux espaces de la galerie. L’exposition comprend des œuvres provenant de trois des principales installations performances vidéos réalisées par McCarthy au cours des deux dernières décennies : CP (Caribbean Pirates), WS (White Snow) et CSSC (Coach Stage Stage Coach) / DADDA (Donald And Daisy Duck Adventure).
À partir de Caribbean Pirates, McCarthy présente de nouvelles versions de trois œuvres pionnières : Captain Ballsack (2001–2018), Piggies (2006–2018) et Paula Jones (2007–2018). Cet opus tentaculaire, inspiré de l’attraction Pirates des Caraïbes à Disneyland, a fini par déboucher sur un projet spinoff intitulé Pig Island. C’est le nom fictif d’une vaste estrade jonchée d’objets divers, qui occupe le centre de l’atelier de McCarthy et où l’artiste a rassemblé des sculptures sur le thème des pirates et des cochons (ou de leurs mutations). Conçue d’entrée de jeu comme une œuvre d’art, elle a été la source d’une série d’œuvres dans lesquelles des personnalités politiques, comme George W. Bush, s’adonnent à des pratiques sexuelles déviantes. Tant Paula Jones que Piggies sont pour ainsi dire des produits de cette île, tandis que Captain Ballsack est un personnage iconique du récit CP, dont l’origine remonte au dessin Poop Deck (2001). Ces œuvres fondamentales, vues précédemment dans leur état d’origine brut ou interprétées dans des matériaux comme la fibre de verre et l’acier inoxydable, McCarthy les redynamise en un technicolor explosif et scabreux. Les finitions peintes, lisses et diffuses, sont uniques : projetées par l’artiste lui-même et manipulées à la main.
Un groupe de nains pustuleux, dégoulinants de résine, de mousse et de polyuréthane, a surgi de White Snow. Il s’agit des sculptures originales en argile à partir desquelles les versions en bronze ont été coulées. Corrompues et abstraites par le processus de fabrication des moules, ces sculptures sont poussées de plus en plus loin : McCarthy ‘fige’ les figures modelées à la main dans des couches onctueuses de résine synthétique gluante, remplissant les vides ou ajoutant de nouveaux attributs. Les sculptures en argile/résine et peintes témoignent toutes de l’intervention de l’artiste : comment McCarthy convainc ses œuvres d’exister par les procédés classiques du modelage et de l’assemblage, suivis de destruction, manipulation et distorsion ; ou les transformations effectuées par l’application de résine ou de peinture. En même temps, elles soulignent la nature auto-génératrice de sa pratique. Ces sculptures sont d’éternelles œuvres en cours : les pièces réapparaissent et se transforment constamment en de nouveaux hybrides, spinoffs et formats alternatifs.
Les tableaux WS à grande échelle de McCarthy, dont deux sont également exposés, combinent les techniques picturales traditionnelles avec des matériaux collés (images explicites découpées dans des magazines pornos, une photographie en noir et blanc de Disney, par exemple) et des objets tridimensionnels. Dans ces œuvres, McCarthy prend le médium de la peinture comme sujet, l’utilisant comme cadre pour ses récits de profanation. Il en va de même pour sa palette claire et brillante, souillée par les tourbillons des pigments bruns et noirs.
Oval Office (2015–2019) est un assemblage imposant, qui critique le mythe du Far West et son rôle dans la création de l’identité nationale. Les chevaux renvoient à l’œuvre du sculpteur Frédéric Remington (1861-1909), célèbre pour ses tableaux et ses bronzes représentant l’Ouest américain typique, avec ses cowboys, ses indiens et sa cavalerie. Le titre – Oval Office – fait allusion au fait que, depuis des temps immémoriaux, tous les présidents américains semblent avoir placé une œuvre de Remington dans le Oval Office. Les sculptures de Remington sont aujourd’hui omniprésentes dans la société américaine, ornant maisons, bureaux et bâtiments publics. Dans cet assemblage, McCarthy juxtapose la réalité et la fiction : la base est constituée de deux socles superposés de dimensions différentes, évoquant les reproductions bon marché de l’œuvre du sculpteur, ainsi que les faux Remington ; les chevaux intérieurs ont été réalisés en argile recouverte de résine (selon une technique similaire à celle des nains cités ci-dessus) ; les chevaux extérieurs, par contre, sont des formes taxidermiques en polyuréthane, ce qui explique l’absence d’oreilles, de crinières et de queues. Des selles et des sangles bien réelles renforcent la tension entre réalité et artifice.
L’Ouest américain est aussi le cadre de la partie cinématographique de l’exposition, qui comporte deux séquences de 90 minutes des installations performances vidéos CSSC et DADDA de Paul et Damon McCarthy. Tournés entre 2014 et 2017, ces projets totalisent un jour quelque quinze à vingt vidéos long métrage. Dans les deux films, McCarthy recourt au langage visuel des westerns hollywoodiens et de leurs récits archétypaux – le voyage en diligence et le combat dans le saloon – pour magnifier et intensifier les besoins et désirs humains fondamentaux. CSSC comme DADDA dépeignent des dystopies hermétiques, dépourvues de toutes contraintes morales, religieuses et légales. Au sein de ces domaines dissolus, les fondements commercialisables de la culture contemporaine – le sexe et la violence – apparaissent sous leurs formes les plus extrêmes. Dans les deux scénarios, l’alcool, ce lubrifiant social si populaire, justifie comportements désinhibés, pertes de contrôle et attitudes lascives. Les films sont accompagnés d’une série d’œuvres photographiques apparentées.
Paul McCarthy (né en 1945, Salt Lake City) vit et travaille à Los Angeles. Il a bénéficié d’expositions individuelles à M Woods, Beijing (2018) ; Fundació Gaspar, Barcelone (2017) ; Kulturzentrum Lokremise, Saint-Gall (2016) ; The Renaissance Society, Chicago (2015) ; Monnaie de Paris, France (2014) ; Neue Nationalgalerie, Berlin (2012) ; Whitney Museum, New York (2008) ; SMAK, Gand (2007) ; Moderna Museet, Stockholm (2006) ; et Haus der Kunst, Munich (2005). Il a également participé à de nombreux événements internationaux, dont la Biennale de Berlin (2006), la Biennale de Whitney (1995, 1997, 2004) et la Biennale de Venise (1993, 1999, 2001).
Paul McCarthy
Mixed Bag
25 avril - 25 mai 2019
Xavier Hufkens
Rue St-Georges 6 & 107,
1050 Bruxelles
Header image: Paul McCarthy, Paula Jones, 2007. Fiberglas, steel, paint. 208,3 x 146 x 271,8 cm. Courtesy: the Artist and Xavier Hufkens, Brussels. Photo-credit: Frederik Nilsen, Los Angeles