Shirley Villavicencio Pizango inaugure le nouvel espace permanent de Be-Part à Waregem
Pour la première exposition dans le nouvel espace de Be-Part à Waregem, le commissaire Patrick Ronse a invité l’artiste Shirley Villavicencio Pizango (née en 1988 à Lima, Pérou). Celle-ci a grandi à Lima et dans un village de la Forêt amazonienne. À 18 ans, elle a émigré en Belgique, où elle a vécu en famille d’accueil. Elle a étudié successivement à l’Académie Royale des Beaux-Arts (KASK) et à l’Institut supérieur des Beaux-Arts (HISK), à Gand.
Les tableaux de Shirley Villavicencio Pizango semblent osciller entre le dessin et la peinture. Elle commence par dessiner les contours de son sujet (principalement des portraits ou des natures mortes) à la peinture acrylique, pour les faire ensuite vibrer au pinceau dans des couleurs éclatantes. La peinture acrylique lui permet de travailler de manière rapide et intuitive. Certaines parties de ses tableaux paraissent inachevées et, lorsque perspective il y a, elle est faussée. Son style, très reconnaissable, trahit une proche parenté avec Matisse et Picasso, avec qui elle ‘entretient un dialogue intérieur quasi permanent’.
Les portraits puissants de Shirley Villavicencio Pizango sont exécutés d’après le modèle vivant ou sur la base de photographies analogiques. L’artiste se peint souvent elle-même, mais aussi ses amis et les membres de sa famille, avec lesquels elle poursuit une relation personnelle, parfois intime. Ses portraits ne sont pas une représentation exacte de ses modèles, mais plutôt une interprétation personnelle, expression de ses pensées et de ses sentiments.
Shirley Villavicencio Pizango est fascinée par la différence. En ce sens, son œuvre peut être qualifiée de très inclusive et diversifiée. Elle dépeint les femmes comme des êtres fiers et pleins d’assurance, ayant le sensualisme et l’exotisme en horreur. Elle évite de mettre l’accent sur le parcours personnel de ses modèles et aboutit ainsi à une forme évidente de diversité.
Shirley Villavicencio Pizango est péruvienne, mais elle a passé la moitié de sa vie en Belgique. Dans son œuvre, elle réserve une place de choix aux personnes de couleur. Elles se tiennent au premier plan et regardent le spectateur droit dans les yeux. Malgré son séjour prolongé en Belgique, l’artiste conserve un lien très fort avec le Pérou. Par ailleurs, elle a également subi l’influence de l’histoire de l’art occidentale. Son identité se situe entre deux cultures. Et cette dualité se retrouve dans ses thèmes, d’où le titre Sunkissed by the Moon.
Ce qui frappe immédiatement dans ses portraits, ce sont les lèvres blanches. Lorsque Shirley Villavicencio Pizango est arrivée en Belgique il y a seize ans, elle ne parlait ni le néerlandais, ni le français, ni l’anglais et, comme la connaissance de l’espagnol est plutôt limitée dans notre population, elle se sentait en quelque sorte sans langage. C’est pourquoi elle ne remplit pas les lèvres de ses modèles, qui restent vides.
Les titres de ses tableaux révèlent que son œuvre est moins légère qu’il n’y paraît à première vue. La surface joyeuse dissimule souvent une aura de mélancolie. Comme l’écrit Bart Cassiman: ‘En dépit de leur palette haute en couleur, ce ne sont pas des tableaux gais. Même s’il s’en dégage une naïveté trompeuse, inimitable, qui induit nombre de spectateurs en erreur’.
Dans son atelier, Shirley Villavicencio Pizango s’entoure de toutes sortes d’objets : curiosa, textiles, masques ethniques (qu’elle collectionne), vases en terre cuite, meubles en rotin, fleurs et plantes. Ces éléments constituent la base de ses natures mortes, qui peuvent également passer pour des autoportraits. Elles brossent une image de l’artiste et de son identité, sorte de croisement entre l’Amérique du Sud et la Belgique.
Comme nous l’avons déjà suggéré, la dualité présente dans son œuvre se reflète dans le titre de l’exposition: Sunkissed by the Moon. La religion des Incas, à laquelle Shirley Villavicencio Pizango se sent étroitement liée, était fondée sur le culte d’Inti, le dieu du soleil, et de sa sœur et épouse, la déesse de la lune Mama Killa. En plus de traduire la dualité soleil/lune, sunkissed renvoie à une peau colorée et au naturel avec lequel les personnes de couleur prennent leur place dans l’œuvre de l’artiste.
Pour l’exposition dans le nouvel espace de Be-Part Waregem, Shirley Villavicencio Pizango a procédé à une sélection de ses œuvres des cinq dernières années. L’ensemble, qui combine des tableaux provenant de collections privées et de sa propre collection avec quelques œuvres nouvelles, encore jamais exposées, est complété par des dessins et quelques sculptures en céramique de sa main.
1. Bart Cassiman, in: Shirley Villavicencio Pizango, Dark Empathy, Posture Editions 2022/47, p. 93.
Shirley Villavicencio Pizango
Sunkissed by the Moon
23.10 - 29.01. 2023
Be-Part Waregem
nouveau lieu: Gemeenteplein 12, 8790 Waregem
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