Le Museum Dhondt-Dhaenens présente la première exposition personnelle de Libasse Ka dans une institution

Libasse Ka ​
Notes on Shape Shifting
21 septembre – 21 décembre 2025
Museum Dhondt-Dhaenens


Le Museum Dhondt-Dhaenens présente Notes on Shape Shifting, la première exposition personnelle institutionnelle de Libasse Ka (°1998, Cambérène, Sénégal). Libasse Ka vit et travaille à Bruxelles, mais il a passé son enfance au Sénégal jusqu’à l’âge de dix ans. Sa biographie se reflète dans sa pratique artistique : il évolue constamment entre différents contextes culturels et artistiques, sans jamais s'identifier pleinement à aucun.

L’exposition réunit une série de nouvelles peintures réalisées en 2025. Ka y poursuit sa quête continue de l’essence de la peinture et explore les limites de son processus pictural personnel. Sa pratique est enracinée dans le mouvement, la répétition des formes et la métamorphose. C’est une approche à la fois intuitive et réflexive, corporelle et conceptuelle.

 

Notes on Shape Shifting 

Libasse Ka aborde la peinture comme un processus de transformation en strates. Ses œuvres naissent de reprises de formes, de ralentissements et de reformulations. Il revient souvent sur des toiles anciennes ou inachevées, qu’il retravaille afin de répondre à des questions picturales restées ouvertes ou de revisiter des passages non résolus. Ce processus cyclique donne lieu à des peintures construites dans la durée : non pas des instantanés, mais de véritables lignes du temps visuelles, où les pensées sont inscrites, effacées puis remodelées.

Ses compositions respirent le rythme : les formes se déplacent, se frôlent et se fondent les unes dans les autres. Elles semblent émerger d’une unité préexistante au tableau, suggérant un langage visuel non pas figé mais en perpétuel devenir. La couleur y joue un rôle essentiel. À l’instar d’un musicien choisissant ses notes, Ka compose avec les contrastes, la répétition et la variation. Le résultat est une expérience sensorielle qui oscille entre ordre et improvisation.

Matière, couleur et geste

Les peintures de Libasse Ka naissent d’une combinaison intense de gestes physiques et d’expérimentations matérielles : imprimer, frotter, étaler, éclabousser, recouvrir. Il recourt à des moyens inhabituels, comme des cordes ou du plastique, pour transférer le pigment, transformant ainsi la toile en un véritable archive de gestes, une mémoire du corps et de l’esprit, une sorte de cartographie mentale visuelle.

Ka utilise à peine le pinceau dans ses grands formats, sauf pour placer un ultime détail. Il préfère verser, frotter ou graver la peinture, ou encore faire claquer une corde comme un fouet sur la toile, tandis que des morceaux de plastique lui permettent d’exercer une pression. Ces méthodes déplacent l’accent de la touche classique vers une approche plus directe, souvent performative, de la surface. Peindre devient alors un acte physique, presque rituel, où hasard et maîtrise, intuition et stratégie s’équilibrent en permanence.

Une caractéristique récurrente de son travail récent est le fait de laisser visible la toile brute : ces zones non peintes offrent des respirations dans l’espace pictural et suscitent une impression d’ouverture. Dans certaines de ses œuvres les plus récentes, créées spécialement pour cette exposition, les formes semblent même sur le point de se dissoudre. La peinture devient fluide, presque transparente, métaphore matérielle du changement.

La palette de Ka est très singulière. Des nuances de bleu, de jaune pâle, d’ocre et de rose marquent les mouvements, suggèrent des profondeurs et soulignent le caractère processuel de chaque œuvre.

L’intuition comme méthode

Bien que les peintures de Ka semblent souvent intuitives ou improvisées, l’artiste souligne que son processus repose sur un subtil jeu d’équilibre entre choix conscients et inconscients. Sa familiarité avec l’histoire de l’art, sa maîtrise technique et ses expériences personnelles constituent un socle solide, mais il laisse aussi place aux hasards, aux écarts et aux détours inattendus. Pour Ka, l’intuition n’est pas une simple inspiration soudaine, mais une stratégie réfléchie : une manière de travailler qui reste volontairement ouverte, créant sans cesse de l’espace pour les détours et la réflexion.

Cette ouverture caractérise également la signification de son œuvre. Ka donne rarement à ses peintures des titres explicites, car il ne souhaite pas orienter la lecture du spectateur. Il préfère l’inviter à interpréter, à associer, à ressentir. Chaque tableau devient ainsi une invitation à la rencontre : un espace où subjectivité, mémoire et projection du regardeur peuvent circuler librement.

De ce dialogue entre discipline et liberté, savoir et intuition, découle un travail en perpétuel mouvement. Il échappe à toute univocité et continue de résonner dans l’expérience du spectateur, toujours convié à contribuer à sa signification. Ka inscrit ainsi sa peinture dans ce que l’on pourrait appeler une « réserve cachée » de la peinture : un domaine qui s’ouvre lorsque le geste cesse d’être uniquement expressif pour devenir aussi trace sémiotique, signe, mémoire, invitation à l’interprétation.

Libasse Ka se réfère aux stratégies picturales développées à la fin des années 1950 et au début des années 1960 par des artistes comme Joan Mitchell ou Cy Twombly, puis reprises plus tard par Christopher Wool. Eux aussi ont libéré le geste pictural de sa seule charge expressive et exploré la manière dont une touche, une tache ou une griffure peuvent être à la fois empreinte matérielle et vecteur de sens. Là où Mitchell parlait de « mémoire en action » et Twombly chargeait ses gestes de connotations sémiotiques et mythiques, Ka prolonge cette recherche dans un langage contemporain et hybride, enraciné à la fois dans son héritage africain et dans l’histoire de l’art occidental.


Une position hybride

Le travail de Libasse Ka est ancré dans une connaissance intime de l’histoire de l’art occidental, qu’il assimile et transforme. Il s’inscrit notamment dans la lignée des recherches chromatiques de Josef Albers ou du langage visuel expérimental de Francis Picabia. Dans ce processus, son amitié avec le peintre Jan Van Imschoot – compagnon de longue date dans ses réflexions sur la peinture – joue également un rôle important. Parallèlement, son héritage africain reste perceptible, en particulier dans l’intensité et la stratification de son usage de la couleur.

Il en résulte un langage visuel qui ne se laisse réduire ni à une origine ni à une tradition uniques, mais qui naît précisément de la tension entre les deux. Cette position intermédiaire – entre continents, styles, récits et systèmes – confère à son œuvre un caractère hybride, stratifié et profondément personnel. C’est un travail qui invite à dépasser les oppositions binaires et à s’ouvrir à la force transformatrice des perspectives plurielles.


En dialogue avec Anne Teresa De Keersmaeker

À l’occasion de l’exposition, Libasse Ka entre en dialogue avec la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, l’une des figures les plus influentes de la danse contemporaine et avec qui il a développé depuis quelques années une amitié stimulante. En amont de l’exposition, tous deux ont mené des conversations autour du mouvement, du rythme, de l’espace et de la forme. La cinéaste Evi Cats a capté ces échanges dans un film poétique, présenté au sein de l’exposition.


Clapping Music

Le 21 septembre, Anne Teresa De Keersmaeker et Laura Maria Poletti présentent Clapping Music sous la forme d’un intense duo au cœur de l’exposition de Libasse Ka : un dialogue rythmique qui se déploie en variations et décalages minimaux sur la musique de Steve Reich.

Clapping Music (1972) est une pièce emblématique du compositeur américain Steve Reich, fondée sur un principe simple : deux musiciens frappent dans leurs mains un même motif de douze croches, tandis que l’un d’eux décale progressivement le rythme d’un temps, jusqu’à ce que les deux patterns coïncident à nouveau. Ces déphasages constituent un élément central des compositions minimalistes de Reich et demeurent une source d’inspiration constante pour De Keersmaeker.

En 1982, elle connaît une percée internationale avec Fase, une chorégraphie conçue sur quatre compositions de jeunesse de Reich. Elle n’y propose pas une illustration de la musique, mais une logique de mouvement autonome qui approfondit et rend visibles les structures répétitives de Reich. Lignes parallèles, trajectoires circulaires et légers décalages dans le mouvement et le tempo composent des motifs stratifiés où danse et musique se défient mutuellement. Dans le même temps, le choix léger et ludique du vocabulaire gestuel renvoie subtilement à la tradition de la danse classique — un clin d’œil qui relie les variations de forme et de rythme à de plus vastes histoires de la danse et de l’art.

Ainsi, Notes on Shape Shifting ne se présente pas seulement comme une exposition de peinture, mais comme un espace résonant où image, mouvement, son et pensée entrent en dialogue. Une invitation à la transformation — non seulement des formes, mais aussi des perspectives.

 

© Dan Miller

 

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