La Galerie Everyday à Anvers commence la nouvelle année par des expositions solo de Tom Volkaert et Daan Gielis
Du 30 janvier au 13 mars, deux amis intimes, Daan Gielis et Tom Volkaert, exposent à la Galerie Everyday à Anvers. Ces deux jeunes artistes belges se sont vu attribuer des espaces séparés dans la galerie anversoise du Nieuw Zuid, où ils proposent une dizaine d’œuvres nouvelles dans différents médiums. Ainsi, Gielis n’hésite pas à juxtaposer, dans son exposition, une œuvre en néon et une délicate sculpture en bronze, céramique, terre cuite et textiles, et plante Tintin dans une flaque de ses propres larmes. Volkaert, pour sa part, expose des sculptures brutes, apparemment inachevées, en métal, argile et résine.
Les deux artistes collaborent avec la Galerie Everyday depuis sa création en mai 2019, mais c’est la première fois qu’ils y présentent leurs œuvres sous la forme de deux expositions personnelles.
Bien qu’ils soient de la même génération et entretiennent une étroite amitié, et qu’ils se retrouvent dans leurs passions et leurs frustrations au sein du monde (artistique) contemporain, leurs œuvres et leurs expositions s’appuient sur des bases différentes.
Le deuil du monde dans Le Misanthrope de Bruegel sert de point d’ancrage à l’exposition de Daan Gielis (°1988). Mais le deuil est-il vraiment, dans le monde, une solution à la déception ? Le deuil nous permet-il d’échapper à ce monde ? Non, tranche Gielis dans son exposition Omdat de wereld is zo ontrouw (Parce que le monde est si infidèle). Se retirer du monde, c’est aussi se priver du monde, et donc de la possibilité de faire partie d’un ensemble plus vaste, susceptible de donner du sens à qui nous sommes et ce que nous faisons.
L’œuvre de Tom Volkaert (°1989) est centrée sur le matériau et sa transformation. Il aime montrer l’élaboration de l’œuvre et opte pour un mode de création intuitif, caractérisé par l’honnêteté de la matière et l’importance du hasard. De ce fait, son œuvre oscille entre la beauté et l’horreur, la perfection et le défaut. Dans As slow as possible (Aussi lentement que possible), Volkaert recourt à des matériaux transparents pour révéler au spectateur l’intérieur ou les ‘entrailles’ de ses sculptures, afin que rien ne l’empêche de ‘voir’ l’œuvre dans sa totalité.
À l’occasion de son exposition solo à la Galerie Everyday, Volkaert lance un premier ouvrage: un panorama complet de son œuvre en 200 pages.
Daan Gielis: Omdat de wereld is zo ontrouw
Tom Volkaert: As Slow As Possible
30 januari - 13 maart 2021
Everyday Gallery
Jos Smolderenstraat 18, 2000 Antwerpen
DAAN GIELIS
OMDAT DE WERELD IS ZO ONTROUW
L’œuvre multimédia de Daan Gielis (°1988, vit et travaille à Anvers) explore les conflits et les contradictions dans les systèmes émotionnels, communicatifs et sociaux qui constituent le monde tel que nous le connaissons : la coïncidence du bonheur et de la désillusion, les désirs frustrés qui mènent à d’autres aspirations, une culture underground qui reste authentique tout en se mettant elle-même en liquidation… Selon Gielis, chacun de ces systèmes est saturé de contradictions. Pourtant, c’est justement grâce à leurs oppositions internes que ces systèmes prospèrent. Pas étonnant que tant de nos contemporains expérimentent une dissonance émotionnelle et ont du mal à trouver de la cohérence dans leur vie.
Nous pouvons nous en prendre au monde et dérailler, ou exploser de rage et ensuite imploser. Mais le deuil est-il vraiment, dans le monde, une solution à la déception ? Le deuil nous permet-il d’échapper à ce monde ? Non, tranche Daan Gielis dans Omdat de wereld is zo ontrouw, sa nouvelle exposition personnelle à la Galerie Everyday. Se retirer du monde, c’est aussi se priver du monde, et donc de la possibilité de faire partie d’un ensemble plus vaste, susceptible de donner du sens à qui nous sommes et ce que nous faisons.
Dans Omdat de wereld is zo ontrouw, Gielis joue un jeu politico-esthétique subtil, qui pousse le visiteur à réfléchir à ce que signifie changer le monde sans tomber dans les extrêmes de l’utopie et de la mélancolie. Mais Gielis ne recherche pas le compromis. Tout au contraire. Il manie ouvertement la contradiction et favorise de joyeuses interférences entre les cendres de la déception totale et le néon de l’exaltation artificielle. Le deuil du monde dans Le Misanthrope de Bruegel sert de point d’ancrage à l’exposition, mais est assailli de toutes parts par la contreculture énergique du hardcore. Pour Gielis, cette culture n’est pas une réponse univoque à l’injustice, mais elle laisse entrevoir d’autres manières de vivre ensemble – justice sociale en trompe-l’œil, qui grouille elle-même de contradictions.
TOM VOLKAERT
AS SLOW AS POSSIBLE
L’œuvre de Tom Volkaert (°1989, vit et travaille à Anvers) est centrée sur le matériau et sa transformation. Il aime montrer l’élaboration de l’œuvre et opte pour un mode de création intuitif, caractérisé par l’honnêteté de la matière et l’importance du hasard. Avec des créations qui affichent des traces de corrections et de réparations, l’œuvre de Volkaert oscille entre la beauté et l’horreur, la perfection et le défaut. La relation avec le matériau est fragile et le processus délicat, mais chaque œuvre exprime la quête interminable du potentiel que toute matière première porte en elle.
Les sculptures de Volkaert semblent se présenter vierges au monde. La nature mystérieuse et fascinante des formes qu’il produit avec du métal, de l’argile et de la résine nous contraint à ‘voir’. Nous ne pouvons nous faire une idée de l’œuvre qu’en la regardant dans son intégralité, et nous ne savons à quoi elle ressemble qu’après l’avoir examinée sous tous les angles. La distance théorique entre nous et l’œuvre est abandonnée au profit d’un chaos d’impressions sensorielles. Faute de sensations construites et associées, nous sommes mis au défi de comprendre la perception telle qu’elle se présente.
Pour son exposition solo à la Galerie Everyday, intitulée As slow as possible, Volkaert dévoile aussi l’intérieur de son oeuvre. Fasciné par les espaces creux dans ses œuvres en céramique, il a récemment entrepris de travailler avec des matériaux transparents. Pour la première fois, grâce à la résine époxy, il montre également ce qui se passe à l’intérieur de l’œuvre, privant ainsi le spectateur de toute possibilité d’association. En montrant tout, même l’intérieur, il ôte à la perception sa dimension illusoire et opte pour la plénitude de la forme. Rien n’empêche plus le spectateur de ‘voir’ l’œuvre dans sa totalité.
Par le titre de son exposition solo, Volkaert renvoie à la fable d’Ésope sur l’escargot et le lièvre.. Pour ses titres, il choisit volontiers ses références en dehors du monde de l’art. ‘Tout le monde n’est pas unique et tout s’est déjà produit’, affirme-t-il. Les idées visuelles des figures clés du monde de l’art peuvent être très enfermantes et avoir un effet paralysant. ‘C’est pourquoi je m’en tiens à des récits qui n’ont rien à voir avec l’histoire de l’art.’ Sans complexe dans son mode de création intuitif et la profondeur de son analyse technique, mais néanmoins as slow as possible.