Double exposition autour du corps et du livre aux Abattoirs de Bomel à Namur
Du jeudi 8 février au dimanche 11 mars 2018, le Centre culturel de Namur présente une double exposition littéralement passionnante autour du corps et du livre, aux Abattoirs de Bomel. Avec des installations plastiques et vidéos, de la photographie, de l’image imprimée, du dessin, de la peinture, des techniques mixtes ou encore de la sculpture.
D’une part, à l’initiative de Nicolas Monseu du Département de philosophie de l’Université de Namur, découvrez l’installation «L’Homme-Livre» du photographe français Alain Volut. Plongez ensuite au coeur de l’exposition collective «Reading Hands Writing Bodies» pour la quelle le commissaire Philippe Hunt convie une douzaine d’artistes contemporains, belges et étrangers, confirmés ou émergents.
FAIRE CORPS : ECRIRE, LIRE, DIRE > « L’HOMME-LIVRE »
Nicolas Monseu, Professeur au département de philosophie de l’UNamur :
«Faire corps : écrire, lire, dire» est un projet cherchant à exprimer la place du livre et des mots dans la vie de l’être humain, dans les arts et la vie sociale, en interrogeant spécifiquement le corps.
Le corps de l’être humain n’est pas uniquement cet organisme singulier dont chacun fait l’expérience de manière isolée et sur lequel nous pouvons entièrement, ou pas, exercer nos emprises et nos empreintes. Loin d’être clos sur lui-même, le corps n’existe jamais seul et s’annonce toujours comme une œuvre en cours qui est façonnée, sculptée de multiples manières, notamment en relation avec la connaissance et la parole, et donc le livre et les mots. Le corps s’éprouve alors comme un espace ouvert orienté vers le livre et la lecture qui dépose en lui ses sédiments à notre insu.
Oeuvre exposée : «L’Homme-Livre», Alain Volut (FR)
« READING HANDS WRITING BODIES »
Philippe Hunt, Professeur honoraire de littérature et de philosophie, Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles :
Des institutions, dont la sottise n’est pas à prouver, s’épuisent à séparer absolument arts plastiques, littérature, philosophie, et l’enseignement de ces ‘disciplines’, tout comme elles proclament souvent le divorce intraitable entre le sensible et l’intelligible — le rejet naguère prononcé du visible en art (le ‘conceptuel’) menant, par un retour du refoulé, au culte récent du ‘ressenti’…. Sans parler du supposé immatériel. Tout au contraire, le corps est inscrit, et il écrit lui-même, par ses gestes dans ce qui, dès lors, devient espace. “How can we know the dancer from the dance ?” (Yeats). La chair est signe, et le signe est chair, nous sommes de part en part des êtres (des singes) signés — mais le signe lui-même (inscrit, crié, chuchoté, chanté) est matériel, il y a un corps de la lettre. Par ailleurs, si nous sommes ce que nous mangeons (« Man ist was man ißt »), bien sûr nous mangeons beaucoup de signes, dont, les ex-primant, nous parons notre ‘esprit’, notre conversation, notre être-au-monde. Se cultiver (oui, comme ces plantes dont nous savons maintenant qu’elle pensent et parlent), c’est se (re)construire, se (re)constituer avec des bribes de langage, des phrases de Musil ou des bris de Celan. Qui guident nos pas, ou nous font trébucher.
Cette exposition, répondant à un colloque organisé par Nicolas Monseu, le prolongeant, entend mettre ensemble des artistes plasticiens de générations et d’origines diverses, qui pratiquent les médias les plus divers (peinture, dessin, sculpture, photo, vidéo, performance, installation… voire des choses moins faciles à nommer), ensemble ou séparément, mais qui ont tous, dans leur vie, dans leur art, un rapport intense à la littérature, souvent à la poésie. Qui souvent écrivent, parfois secrètement. Plusieurs sont proches de Paul Celan, d’autres (ou les mêmes) de Kafka, de Beckett…
Certains traits forment, fomentent des écritures inconnues (des archi-écritures), certains tracent des mots, des lettres, des signes de ponctuation. Certains rappellent des noms, qui se sont perdus. Ou représentent la prohibition de la représentation. Ou marquent, remarquent le souffle. Le lisible (legible, readable) ne se laisse pas dissocier de l’illisible (illegible, unreadable).
Chacun de ces traits permet de relire, mais aussi d’interroger, ou de déconstruire, chacun des autres : l’exposition rend possible une polyphonie, un mélange des voix, des langues. Une Babel qui ne serait pas simplement malheureuse.
Le titre que j’ai choisi, ou qui plutôt m’est venu, s’est imposé à moi, est intertextuel : il est une version modifiée du titre et d’un court passage au milieu du roman de Jeanette Winterson Written on the Body. Bien que fait de mots tout simples, il peut se traduire de plusieurs façons, car il jouit d’une grande ambiguïté syntaxique. “(Des) Mains lisant des corps qui écrivent”, “Lire des mains qui écrivent des corps”, ou encore ”Lire (ou Lisant) Des Mains Écrire (ou Écrivant) des Corps”, ou “Mains qui lisent Corps qui écrivent” (etc.). Cette petite machine à produire (et défaire) des phrases, et (donc) des sens : un titre qui ouvre beaucoup de possibilités.
Artistes exposés :
Jean-Philippe Convert (BE)
Charlotte Flamand (FR)
Werther Gasperini (IT)
Aurélie Gravelat (FR)
Serge Goldwicht (BE)
Florian Kiniques (BE)
Daniel Locus (BE)
Michel Lorand (BE)
Arié Mandelbaum (BE)
Kurt Ryslavy (AU)
Leen Van Dommelen (BE)
Paul Van Thienen (BE)
Commissariat : Philippe Hunt (BE)